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Catalogue / article

2006, 59, 3, p.211-212

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Prise en charge de la maladie veineuse chronique superficielle aux 4 âges de la femme: 30 ans d'évolution

Management of superficial chronic venous disease in the 4 women age: a 30 years of progress

Auteurs/Authors : Perrin M.

Résumé :

Lecture à la réunion de la SFP 3 juin 2006.

Lyon En trois décennies, la prise en charge de la maladie veineuse chronique superficielle (MVCS) a été littéralement bouleversée.

Il faut distinguer dans cette évolution les éléments non spécifiques à la condition féminine de ceux qui lui sont propres.

PARMI LES ÉLÉMENTS NON SPÉCIFIQUES

L'utilisation d'un langage commun et d'une classification internationale, la CEAP, a permis d'échanger des informations et des connaissances à l'échelon planétaire en particulier dans le domaine épidémiologique (Benigni, Bonn, Carpentier, Cesarone, Chiesa, Edinburgh, Jawien, Levy, San Diego, Scuderi, VEINES). Ces études épidémiologiques nous ont révélé que la corrélation était peu satisfaisante entre les signes veineux les plus fréquents de la MVCS, c'est-àdire les télangiectasies et les varices, et les symptômes veineux (Edinburgh).

Mais l'investigation ultrasonique est certainement le facteur qui en pratique quotidienne a été le plus déterminant et il convient de rendre hommage à Claude Franchesci et à Gilbert Franco qui, les premiers en France, ont bien perçu son importance.

Ces investigations ultrasoniques ont profondément modifié nos connaissances et notre gestion de la MVCS. Elles permettent d'établir de manière non invasive un diagnostic précis et influencent la modalité thérapeutique, qu'il s'agisse du choix de la méthode et de sa réalisation au plan technique. En complément, elles permettent de juger l'efficacité de la procédure utilisée.

Cette investigation continue à évoluer au plan technique comme en témoigne l'avènement du B-Flow.

En complément de ces examens ultrasoniques, d'autres méthodes moins utilisées dans l'évaluation de la MVCS comme la pléthysmographie à air, la phlébographie descendante ou en 3D, ont amélioré notre approche et peuvent être très utiles dans des cas particuliers.

Ces explorations ont mis en exergue un certain nombre d'éléments qui n'étaient pas clairement établis. Parmi ceux-ci, on peut citer :
– la corrélation relativement satisfaisante entre la présence d'un reflux et de symptômes (Edinburgh) ;
– la responsabilité de la MVCS dans la survenue des troubles trophiques et en particulier de l'ulcère ;
– le rôle joué par les phénomènes de néovascularisation dans les récidives après chirurgie d'exérèse, en particulier aux jonctions saphèno-fémorale et saphènopoplitée ;
– l'identification des insuffisances veineuses profondes primitives associées à l'insuffisance veineuse superficielle.

Au plan thérapeutique, le bouleversement a également été considérable.

Le traitement médicamenteux ne s'est pas enrichi par la mise sur le marché de nouvelles molécules mais son mode d'action et son créneau thérapeutique ont été affinés.

La compression s'est beaucoup améliorée tant au plan du confort que de l'esthétique et ses indications sont plus précises.

Le traitement dit interventionnel, qui se résumait au choix chirurgie d'exérèse standard ou/et sclérothérapie, a été remplacé par des techniques dont le principe même est parfois différent : chirurgie d'exérèse à la carte, chirurgie conservatrice des troncs saphènes, procédures endoluminales (laser, radiofréquence) et sclérothérapie à la mousse écho-guidée. Nous sommes en pleine mutation et, en l'absence d'études contrôlées randomisées, il est impossible aujourd'hui de faire des recommandations thérapeutiques de niveaux A et B dans le traitement des varices.

L'élaboration de nouveaux outils d'évaluation comme les questionnaires de qualité de vie et les scores veineux (Rutherford) permettent de mieux apprécier l'efficacité des thérapeutiques, encore que ces derniers semblent plus adaptés à l'insuffisance veineuse chronique qu'à la MVCS.

Par ailleurs, deux éléments se sont progressivement imposés lors de ces 30 dernières années qui nous ont fait passer de l'Eminence Based Medicine à l'Evidence Based Medicine :
– l'analyse par des méthodes statistiques des données recueillies dans nos études ;
– l'usage des études contrôlées randomisées pour juger de la fiabilité et de la valeur des moyens diagnostics et des procédures de traitement.

J'ai le plus grand respect pour ces pratiques à condition qu'elles soient réalisées à l'aide de protocoles confiés à des experts non sponsorisés ou soumis à des pressions politiques. Si ces conditions ne sont pas remplies toutes les dérives sont possibles.

Enfin, le mode de rédaction des articles sous la férule anglo-saxonne s'est standardisé. Il en a résulté sur le plan littéraire une certaine uniformité mais leur lecture est devenue beaucoup plus facile.

Les éléments spécifiques à la condition féminine méritent également une analyse.

Si l'on veut la segmenter en fonction des 4 âges qui ont été déterminés par les épidémiologistes, on peut les répartir ainsi :

de la naissance à la puberté. Les enquêtes de Schadeck et de Schultz-Ehrenburg nous ont appris que le reflux pouvait être identifié précocement chez l'enfant et l'adolescent, mais il ne semble pas y avoir de différence significative entre les 2 sexes ;

de la puberté à la ménopause. Des études récentes ont montré que, durant la phase lutéale du cycle menstruel, on constatait une augmentation de calibre de la grande veine saphène et du reflux (Ninia). Ce phénomène pourrait expliquer la majoration des symptômes dits veineux et de « l'irritabilité » de nos compagnes durant cette période. L'influence des méthodes contraceptives et plus particulièrement celui du traitement oestro- progestatif sur la MVCS reste débattu. En effet, peu d'études ont été consacrées à ce sujet. Il ne semble pas que le traitement hormonal contraceptif augmente la prévalence des varices ; il apparaît même qu'il diminue la prévalence des varices tronculaires saphènes (Edinburgh p < .01, Bonn p < .05). La pilule n'est pas formellement contre-indiquée en présence de varices, pour autant que la patiente ne se plaigne pas d'une aggravation de la symptomatologie après sa prescription.

Les études épidémiologiques ont dans l'ensemble confirmé l'influence de la grossesse ou surtout des grossesses dans la survenue des télangiectasies et des varices ; cependant l'étude d'Edinburgh ne retient pas ce facteur de risque pour les varices tronculaires saphènes.

Les télangiectasies et varices apparues durant la grossesse régressent le plus souvent après l'accouchement (Boivin, Cornu-Thénard).

Les femmes enceintes ayant déjà eu des grossesses ont une symptomatologie veineuse plus importante que les femmes dont c'est la première grossesse (Coughlin).

L'indication de la chirurgie d'exérèse classique des varices (résection des jonctions saphéno-fémorale ou saphéno-politée + stripping tronculaire) avant que la dernière grossesse soit conduite à son terme était jusqu'à présent très discutée. La remarquable étude rétrospective de Fischer sur les facteurs de risque de récidive après chirurgie classique démontre que cette prudence était justifiée. Le facteur de risque le plus important de récidive à la jonction saphéno-fémorale chez une femme ayant déjà eu une grossesse menée à terme est la survenue d'une nouvelle grossesse ;

de la ménopause à la fin du 3ème âge. Il n'apparaît pas que le traitement hormonal substitutif joue un rôle dans la MVCS. Dans l'étude d'Edinburgh, on le crédite même d'un effet bénéfique sur les varices tronculaires (p < .05) ;

le 4ème âge. La durée de vie de la femme dans les pays occidentaux est supérieure à celle de l'homme, même si cet écart se réduit ; la durée globale de vie s'est significativement allongée lors de ces 30 dernières années dans les 2 sexes. Or on sait que les affections veineuses chroniques et plus particulièrement l'insuffisance veineuse chronique augmentent de façon sensible lors du 4ème âge (Edinburgh, Chiesa). Il en résulte que numériquement les femmes en sont plus volontiers affectées ;

– enfin un certain nombre d'anomalies ou de considérations propres à la femme et qui peuvent être présentes à plusieurs époques de sa vie ont été identifiées lors de ces 30 dernières années. Le premier est l'existence des reflux veineux pelviens. On sait qu'il est plus fréquent chez la femme que chez l'homme en particulier chez la multipare. Nous ne discuterons pas sa responsabilité au plan pathogénique dans le syndrome de congestion pelvienne mais nous savons que le reflux d'origine pelvienne est en cause dans environ 25 % des cas chez la femme dans les varices des membres inférieurs. Son traitement spécifique est encore discuté : sclérothérapie, chirurgie ponctuelle, embolisation par coïl. Enfin il est indéniable que les changements en matière vestimentaire ont motivé les préoccupations esthétiques féminines et ont influencé la demande thérapeutique en matière de MVCS.

En guise de conclusion, je me risquerais à faire quelques prévisions sur ce qui pourrait modifier la prise en charge de la maladie veineuse chronique superficielle aux 4 âges de la femme dans les 30 années à venir.

Nous devrions disposer à plus ou moins long terme d'informations génétiques qui nous permettront de mieux prendre en charge la MVCS et peut être de façon différente en fonction du sexe.

Il est également probable que le rôle joué par les récepteurs hormonaux contenus dans la paroi veineuse sera éclairci et qu'il conditionnera nos attitudes thérapeutiques.

Summary :

Lecture à la réunion de la SFP 3 juin 2006.

Lyon En trois décennies, la prise en charge de la maladie veineuse chronique superficielle (MVCS) a été littéralement bouleversée.

Il faut distinguer dans cette évolution les éléments non spécifiques à la condition féminine de ceux qui lui sont propres.

PARMI LES ÉLÉMENTS NON SPÉCIFIQUES

L'utilisation d'un langage commun et d'une classification internationale, la CEAP, a permis d'échanger des informations et des connaissances à l'échelon planétaire en particulier dans le domaine épidémiologique (Benigni, Bonn, Carpentier, Cesarone, Chiesa, Edinburgh, Jawien, Levy, San Diego, Scuderi, VEINES). Ces études épidémiologiques nous ont révélé que la corrélation était peu satisfaisante entre les signes veineux les plus fréquents de la MVCS, c'est-àdire les télangiectasies et les varices, et les symptômes veineux (Edinburgh).

Mais l'investigation ultrasonique est certainement le facteur qui en pratique quotidienne a été le plus déterminant et il convient de rendre hommage à Claude Franchesci et à Gilbert Franco qui, les premiers en France, ont bien perçu son importance.

Ces investigations ultrasoniques ont profondément modifié nos connaissances et notre gestion de la MVCS. Elles permettent d'établir de manière non invasive un diagnostic précis et influencent la modalité thérapeutique, qu'il s'agisse du choix de la méthode et de sa réalisation au plan technique. En complément, elles permettent de juger l'efficacité de la procédure utilisée.

Cette investigation continue à évoluer au plan technique comme en témoigne l'avènement du B-Flow.

En complément de ces examens ultrasoniques, d'autres méthodes moins utilisées dans l'évaluation de la MVCS comme la pléthysmographie à air, la phlébographie descendante ou en 3D, ont amélioré notre approche et peuvent être très utiles dans des cas particuliers.

Ces explorations ont mis en exergue un certain nombre d'éléments qui n'étaient pas clairement établis. Parmi ceux-ci, on peut citer :
– la corrélation relativement satisfaisante entre la présence d'un reflux et de symptômes (Edinburgh) ;
– la responsabilité de la MVCS dans la survenue des troubles trophiques et en particulier de l'ulcère ;
– le rôle joué par les phénomènes de néovascularisation dans les récidives après chirurgie d'exérèse, en particulier aux jonctions saphèno-fémorale et saphènopoplitée ;
– l'identification des insuffisances veineuses profondes primitives associées à l'insuffisance veineuse superficielle.

Au plan thérapeutique, le bouleversement a également été considérable.

Le traitement médicamenteux ne s'est pas enrichi par la mise sur le marché de nouvelles molécules mais son mode d'action et son créneau thérapeutique ont été affinés.

La compression s'est beaucoup améliorée tant au plan du confort que de l'esthétique et ses indications sont plus précises.

Le traitement dit interventionnel, qui se résumait au choix chirurgie d'exérèse standard ou/et sclérothérapie, a été remplacé par des techniques dont le principe même est parfois différent : chirurgie d'exérèse à la carte, chirurgie conservatrice des troncs saphènes, procédures endoluminales (laser, radiofréquence) et sclérothérapie à la mousse écho-guidée. Nous sommes en pleine mutation et, en l'absence d'études contrôlées randomisées, il est impossible aujourd'hui de faire des recommandations thérapeutiques de niveaux A et B dans le traitement des varices.

L'élaboration de nouveaux outils d'évaluation comme les questionnaires de qualité de vie et les scores veineux (Rutherford) permettent de mieux apprécier l'efficacité des thérapeutiques, encore que ces derniers semblent plus adaptés à l'insuffisance veineuse chronique qu'à la MVCS.

Par ailleurs, deux éléments se sont progressivement imposés lors de ces 30 dernières années qui nous ont fait passer de l'Eminence Based Medicine à l'Evidence Based Medicine :
– l'analyse par des méthodes statistiques des données recueillies dans nos études ;
– l'usage des études contrôlées randomisées pour juger de la fiabilité et de la valeur des moyens diagnostics et des procédures de traitement.

J'ai le plus grand respect pour ces pratiques à condition qu'elles soient réalisées à l'aide de protocoles confiés à des experts non sponsorisés ou soumis à des pressions politiques. Si ces conditions ne sont pas remplies toutes les dérives sont possibles.

Enfin, le mode de rédaction des articles sous la férule anglo-saxonne s'est standardisé. Il en a résulté sur le plan littéraire une certaine uniformité mais leur lecture est devenue beaucoup plus facile.

Les éléments spécifiques à la condition féminine méritent également une analyse.

Si l'on veut la segmenter en fonction des 4 âges qui ont été déterminés par les épidémiologistes, on peut les répartir ainsi :

de la naissance à la puberté. Les enquêtes de Schadeck et de Schultz-Ehrenburg nous ont appris que le reflux pouvait être identifié précocement chez l'enfant et l'adolescent, mais il ne semble pas y avoir de différence significative entre les 2 sexes ;

de la puberté à la ménopause. Des études récentes ont montré que, durant la phase lutéale du cycle menstruel, on constatait une augmentation de calibre de la grande veine saphène et du reflux (Ninia). Ce phénomène pourrait expliquer la majoration des symptômes dits veineux et de « l'irritabilité » de nos compagnes durant cette période. L'influence des méthodes contraceptives et plus particulièrement celui du traitement oestro- progestatif sur la MVCS reste débattu. En effet, peu d'études ont été consacrées à ce sujet. Il ne semble pas que le traitement hormonal contraceptif augmente la prévalence des varices ; il apparaît même qu'il diminue la prévalence des varices tronculaires saphènes (Edinburgh p < .01, Bonn p < .05). La pilule n'est pas formellement contre-indiquée en présence de varices, pour autant que la patiente ne se plaigne pas d'une aggravation de la symptomatologie après sa prescription.

Les études épidémiologiques ont dans l'ensemble confirmé l'influence de la grossesse ou surtout des grossesses dans la survenue des télangiectasies et des varices ; cependant l'étude d'Edinburgh ne retient pas ce facteur de risque pour les varices tronculaires saphènes.

Les télangiectasies et varices apparues durant la grossesse régressent le plus souvent après l'accouchement (Boivin, Cornu-Thénard).

Les femmes enceintes ayant déjà eu des grossesses ont une symptomatologie veineuse plus importante que les femmes dont c'est la première grossesse (Coughlin).

L'indication de la chirurgie d'exérèse classique des varices (résection des jonctions saphéno-fémorale ou saphéno-politée + stripping tronculaire) avant que la dernière grossesse soit conduite à son terme était jusqu'à présent très discutée. La remarquable étude rétrospective de Fischer sur les facteurs de risque de récidive après chirurgie classique démontre que cette prudence était justifiée. Le facteur de risque le plus important de récidive à la jonction saphéno-fémorale chez une femme ayant déjà eu une grossesse menée à terme est la survenue d'une nouvelle grossesse ;

de la ménopause à la fin du 3ème âge. Il n'apparaît pas que le traitement hormonal substitutif joue un rôle dans la MVCS. Dans l'étude d'Edinburgh, on le crédite même d'un effet bénéfique sur les varices tronculaires (p < .05) ;

le 4ème âge. La durée de vie de la femme dans les pays occidentaux est supérieure à celle de l'homme, même si cet écart se réduit ; la durée globale de vie s'est significativement allongée lors de ces 30 dernières années dans les 2 sexes. Or on sait que les affections veineuses chroniques et plus particulièrement l'insuffisance veineuse chronique augmentent de façon sensible lors du 4ème âge (Edinburgh, Chiesa). Il en résulte que numériquement les femmes en sont plus volontiers affectées ;

– enfin un certain nombre d'anomalies ou de considérations propres à la femme et qui peuvent être présentes à plusieurs époques de sa vie ont été identifiées lors de ces 30 dernières années. Le premier est l'existence des reflux veineux pelviens. On sait qu'il est plus fréquent chez la femme que chez l'homme en particulier chez la multipare. Nous ne discuterons pas sa responsabilité au plan pathogénique dans le syndrome de congestion pelvienne mais nous savons que le reflux d'origine pelvienne est en cause dans environ 25 % des cas chez la femme dans les varices des membres inférieurs. Son traitement spécifique est encore discuté : sclérothérapie, chirurgie ponctuelle, embolisation par coïl. Enfin il est indéniable que les changements en matière vestimentaire ont motivé les préoccupations esthétiques féminines et ont influencé la demande thérapeutique en matière de MVCS.

En guise de conclusion, je me risquerais à faire quelques prévisions sur ce qui pourrait modifier la prise en charge de la maladie veineuse chronique superficielle aux 4 âges de la femme dans les 30 années à venir.

Nous devrions disposer à plus ou moins long terme d'informations génétiques qui nous permettront de mieux prendre en charge la MVCS et peut être de façon différente en fonction du sexe.

Il est également probable que le rôle joué par les récepteurs hormonaux contenus dans la paroi veineuse sera éclairci et qu'il conditionnera nos attitudes thérapeutiques.

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